En dépit de sa contribution efficace à l’essor du secteur en termes d’affluence et de recettes, le tourisme local n’est pas à l’abri de pratiques déloyales de certaines agences frisant l’arnaque. Témoignages.
Saida, 38 ans, banquière de son état, n’en revient pas encore.
« C’est pour la première fois de ma vie, raconte-t-elle, que j’ai réservé, cet été, un séjour familial dans un hôtel de Monastir, via une agence de voyages qui m’a assuré que tout serait fait dans les règles de l’art. Nous étions, mon mari et moi, et nos trois enfants si heureux. Sauf que, une fois arrivés à l’hôtel, quelle ne fut pas notre stupéfaction, lorsque le chargé de la réception nous informa que notre réservation n’était valable que pour une seule nuitée, au lieu des trois conclues avec notre agence. Furieux, nous avions demandé de parler au directeur de l’établissement qui nous précisera gentiment qu’il y a eu un manque de coordination avec ladite agence.
Après s’être excusé «pour cet incident malheureux», il nous a priés d’attendre, le temps de régler le problème. 35 minutes après, il vient nous proposer de nous contenter, pour le moment, d’une seule nuitée, avec la promesse de revenir un autre jour, à notre choix, pour récupérer les deux nuitées restantes. Revenir ? Non, je ne mettrai plus les pieds ici ». Que s’est-il passé par la suite ? « Eh bien, répond-elle, on a rebroussé chemin, non sans avoir été rassurés par notre interlocuteur que nous allions être remboursés. Au final, tout en condamnant ces agissements malhonnêtes et irresponsables, j’espère que les autorités compétentes s’en occuperont avec la fermeté requise ».
A la place du paradis promis, ils ont trouvé l’enfer
En réalité, à bien y voir, on peut dire que cette victime n’est pas la première et ne sera, peut-être pas, la dernière d’un petit phénomène devenu rapidement grand et réellement menaçant pour la survie du tourisme local. Suivez-nous. Rafik, 41 ans, médecin généraliste, a vécu pire que ça. « J’ai juré, lance-t-il d’emblée, de ne plus réserver auprès des agences de voyages, après la triste mésaventure que j’ai vécue récemment. En effet, il y a deux semaines, j’ai été proprement fasciné par une publicité tapageuse relayée sur les réseaux sociaux par une agence de voyages de la place qui se proposait d’organiser une excursion de rêve au sud du pays, incluant les belles régions de Djerba, Tataouine et Tozeur, avec quatre nuitées dans des hôtels quatre étoiles et un transport confortable à bord d’un bus climatisé et toute la rhétorique d’une campagne de séduction. On ne pouvait espérer mieux, surtout que le package était clément et donc abordable.» Hélas, l’évasion a mal tourné pour notre toubib.
« Dès le début, se remémore-t-il, une première désagréable surprise : c’est avec environ une heure de retard que le bus se pointe sur les lieux du départ à l’avenue Mohamed V. Arrivé à Sousse, il tombe en panne, avant de repartir, trente bonnes minutes après. A Djerba, première étape de l’eldorado qu’on nous a promis, c’est dans un hôtel trois étoiles, au lieu de quatre, qu’on nous a déposés. Le summum de l’arnaque sera franchi à Tataouine où on nous a logés dans un tout petit hôtel, une oukala (pension) ou presque. Là où on a dû passer la nuit, les yeux grands ouverts, à combattre les moustiques et les cafards. Bref, une odyssée que ma femme et moi avons failli écourter si ce n’était l’envie de nos deux chérubins qui, en âmes innocentes, voulaient s’amuser à tout prix ».
Mettre fin à ce partenariat perdant
Le plus irritant est que lorsqu’on opte, dans une tentative de délimitation des responsabilités, pour une confrontation entre les présumés accusés et les victimes. Nadhir, chargé de la billetterie dans une agence de voyages de la capitale, en atteste. « Il est bizarre, tempête-t-il, de constater qu’on ne cesse de nous dénigrer avec acharnement, alors que nous n’assumons aucune responsabilité des incidents qui surviennent dans les hôtels d’accueil, car nous sommes liés avec des unités touristiques par des conventions claires et précises que nous avons toujours respectées de A à Z ».
La réplique est venue de Mohamed Taher, directeur commercial dans un hôtel de Hammamet qui précise : « Les pratiques déloyales et abusives de certaines agences de voyages qui collaboraient avec notre établissement en matière de réservation ont fini par obliger notre direction à mettre fin à ce partenariat qui a, il est vrai, porté préjudice à l’image de notre hôtel. Depuis, notre page Facebook et le standard, aux quatre lignes groupées, suffisent largement pour prendre les réservations en direct et dans la transparence totale ».
Cette formule, a-t-on constaté, est désormais de plus en plus adoptée par les hôteliers, la leçon étant retenue.
Les agences coupables sont radiées
Pour en avoir le cœur net, La Presse voulait savoir la fin de l’histoire auprès du président de la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav) Ahmed Bettaieb qui a bien voulu apporter des éclaircissements : « Je sais, dit-il, que ces incidents sont devenus fréquents, mais je peux vous assurer que rares, très rares même, sont les réclamations qui nous parviennent de la part des citoyens et que nous traitons rapidement pour enfin aboutir à une solution à l’amiable qui ne lèse personne, à moins qu’il s’agisse de dégâts irréparables. Et là, on ne badine pas avec la loi, puisque l’agence de voyages incriminée, preuves à l’appui, sera radiée et ne sera plus reconnue ni par la Ftav ni par le ministère du Tourisme ».
Et M. Bettaieb de conclure : « Sur les 1.500 agences de voyages que compte le pays, précise-t-il, plus de cinq cents ne sont pas affiliées à notre fédération, et justement c’est par elles que le danger arrive, parce que malheureusement incontrôlables. Mais nous ferons tout, avec la collaboration des différents intervenants, pour assainir la situation ».